Un éléphant a certes des défenses, mais qu’en est-il de sa ligne de défense ? Pistes de réponses lors d’un procès inventé, durant lequel des étudiants ont eu à interroger la responsabilité de l’animal, baptisé Misha. On imagine la difficulté de la tâche, d’autant qu’un éléphant « ça trompe énormément » ! À la croisée de l’éthique et du droit des animaux, ce dispositif pluridisciplinaire a rassemblé deux masters distincts. Retour sur l’édition 2019 de cet événement encadré par une avocate et une éthologue, grâce au témoignage de cette dernière : Marie Pelé.
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Le temps d’un semestre, les unités d’enseignement « Éthique animale » et « Droit de l’animal » ont convergé sur ce projet. Au nombre de 14, les étudiants étaient équitablement issus du Master Écophysiologie, Écologie et Éthologie de la faculté des Sciences de la vie et du Master Éthique Animale de la faculté des Sciences Sociales. À partir d’un scénario simple, chacun a alors travaillé à la mise en place de ce procès imaginaire, en s’appropriant les connaissances et bases de réflexion des cours magistraux, renforcés par 6 séances de travaux dirigés. Au programme : détermination et choix des rôles, argumentations, entraînement à la prise de parole et à la rhétorique, etc. Le tout, épaulés par le tandem d’encadrantes que forment l’éthologue et l’avocate. De quoi mener à bien, in fine, 4h de procès.
1. Cible
À quel public s’adresse votre initiative ?
Il s’adresse aussi bien aux étudiants de deuxième année du Master Écophysiologie, Écologie et Éthologie, qu’à ceux du Master Éthique animale.
2. Intentions
Pourquoi avoir conçu ce projet et quels étaient vos objectifs ?
L’éthique animale est un ensemble de questions et non pas, comme on le croit trop souvent, une compilation de règles idéales de ce qu’il est « moral » de faire aux animaux. Nous souhaitions donc que les étudiants s’approprient les connaissances qu’ils avaient accumulés au cours de leur master (en biologie, en cognition, en bien-être animal, etc.) et qu’ils les confrontent aux législations et textes de loi qui concernent les animaux. Nous sommes partis d’un scénario simple d’anticipation : la personnalité juridique des animaux ayant été octroyée aux animaux non-humains, un éléphant de cirque se retrouve accusé du meurtre du guichetier qui tentait de le libérer.
3. Déroulé
Concrètement, comment avez-vous procédé ?
La préparation de ce procès fictif s’est déroulée sur 6 séances de TD d’une durée variable de 2h à 4h par séance. Les étudiants ont d’abord été invités à s’investir dans le scénario, en préparant des fiches de personnage pour l’éléphant, la victime, le cirque, etc. Puis, on leur a laissé la possibilité de choisir et de préparer les rôles qu’ils souhaitaient endosser au cours du procès : avocat de la défense, parties civiles (famille de la victime et cirque), avocat général, experts, témoins, enquêteur, etc. Pour les étudiants, le tournant a été de suivre un véritable procès à la Cour d’Assises du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg. Ils ont été témoins, pour la première fois, de l’œuvre de la justice et ont pu mieux appréhender les rôles de chacun. Les séances suivantes ont ensuite consisté en des questions – réponses avec les chargées de TD.
4. Avantages côté étudiants
Quels bénéfices avez-vous notés pour l’étudiant ?
Plus qu’une simple restitution des connaissances, les étudiants se sont véritablement approprié les connaissances acquises au cours du semestre. Ils ont pu les manipuler et les échanger entre eux. En quelque sorte, ils sont devenus acteurs de leurs connaissances, et cela s’est notamment vu lors du procès.
5. Avantages côté équipe pédagogique
Dans le même ordre d’idées, quels ont été les bénéfices pour vous et votre équipe ?
Les deux chargées de TD étant expertes de deux domaines différents (éthologie et droit), un premier bénéfice a tout simplement été l’échange des connaissances. Un second échange très fructueux a également été celui entre les enseignantes et les étudiants. En effet, dès le début, nous avions prévenu les étudiants qu’il s’agissait de mener à bien ce projet tous ensemble. Ainsi, nous sommes sortis du cadre parfois un peu rigide du cours magistral.
6. Écueils
Quelles limites ou contraintes avez-vous rencontré ?
Un tel projet demande beaucoup de temps et d’énergie. Une préparation importante s’est faite en amont, dès le mois de juin, avec les deux chargées de TD et le responsable des deux UE. Pendant le semestre, il a ensuite fallu répondre aux questions des étudiants ; et ce, même en dehors des séances de TD, afin de ne pas les freiner dans leur progression. 8 heures de TD ont d’ailleurs été bloquées la semaine précédant le procès, pour répondre aux dernières interrogations. L’évaluation du travail des étudiants s’est faite tout au long du semestre, via de petites interrogations ou des fiches de restitution. Précisons que le volet évaluatif a, lui aussi, demandé une réflexion anticipée.
7. Perspectives
Quelle suite envisagez-vous ?
Pour la préparation de ce procès, les étudiants ont produit beaucoup de travaux (rapport d’enquête, expertises, témoignages, réquisitoire, plaidoiries, etc.) que nous souhaiterions publier sous la forme d’un petit livret pédagogique. Une telle publication permettrait aux étudiants de pouvoir valoriser leur travail de manière plus concrète sur leur CV. Sans compter, l’utilité d’avoir accès à un travail de cette teneur pour les futurs étudiants.

Pour aller plus loin, consultez le livret évoqué par Marie Pelé sur le site ResearchGate.
Il est également disponible au téléchargement au bas de cet encadré.